L’usage de la sténographie a été rendu nécessaire par le prix considérable des mots transmis. On prend 5 centimes par mot de New-York à Boston, et quatorze fois autant, c’est-à-dire 70 centimes de France, pour chaque mot transmis de Washington à la Nouvelle-Orléans. La presse quotidienne ne pouvait à l’origine insérer plus d’une demi-colonne de nouvelles électriques ; mais, à mesure que la concurrence s’est établie, les prix se sont beaucoup abaissés, et les entrepreneurs de rédaction électrique, travaillant en communauté pour plusieurs journaux, se sont un peu relâchés de leur sévère sténographie. Les commerçans continuent à employer les chiffres ou combinaisons de lettres, qui sont interprétés par une espèce de dictionnaire dont les conventions, changeant à volonté, leur assurent le secret le plus absolu.
Voici l’arrangement fait en commun par sept journaux de New-York. Un agent spécial et responsable recueille toutes les nouvelles télégraphiques importantes au moyen de correspondants distribués dans les principales cités de Union ; il en fait faire huit ou dix copies par des machines adaptées à ce genre de travail (après que ces nouvelles ont été mises en anglais vulgaire), et il envoie ces copies aux sept journaux associés. Quand le congrès est assemblé, il y a un sténographe électrique près de chaque chambre, et on estime que les nouvelles électriques ne reviennent pas à chacun des journaux de New-York à plus de 25,000 fr. par an, ce qui porte les ffais collectifs à 175,000 fr. environ.
Dans les anciens télégraphes américains, l’isolement des fils était très incomplet, et les pertes éprouvées par le courant électrique très considérables. Jusqu’ici la construction des télégraphes a coûté de 100 à 200 dollars (500 tr. à 1,000 francs) par mille anglais d’environ un kilomètre et demi ; mais on pense que pour un bon établissement des poteaux et des fils il faudrait au moins doubler cette somme. Comme il y a aux États-Unis au moins trente compagnies télégraphiques, cette active concurrence a produit plusieurs avantages. Ces compagnies ne répugnent point à l’obligation de payer les patentes de Morse, de Bain et de House, et presque toujours c’est en cédant une part des bénéfices nets que le droit de patente est rémunéré. Contrairement à ce qui a lieu en Angleterre, les télégraphes américains ne sont point confinés aux chemins de fer. Ils traversent d’immenses contrées désertes et de profondes forêts dont les arbres servent de poteaux. Plusieurs de ces lignes sont sujettes à des interruptions occasionnées par la chute des pins, sans compter l’influence des frimas qui s’attachent l’hiver aux fils et causent une énorme déperdition de courant. Enfin les orages électriques eux-mêmes mêlent leur action à celle des piles des stations, et troublent tout. M. Bréguet a aussi reconnu des actions de courant en retour fort obscures quant à leur cause, et il y a remédié, comme à tous les autres accidents qui se sont présentés dans notre pratique française, qui n’admet rien d’à peu près bien. Les Américains passent complètement sous silence le risque d’être foudroyés que courent les employés du télégraphe électrique sans des précautions judicieuses. Pour cet objet, M. Bréguet, au moyen d’un fil convenablement délié, a construit un vrai paratonnerre qui met en sûreté l’employé, même pendant le plus violent orage de foudre. Il recommande aussi très prudemment de ne faire entrer dans les stations que des fils assez petits pour se fondre par une électricité trop abondante, et faire par là même disparaître tout danger. En Amérique, chaque compagnie emploie des inspecteurs chargés de vérifier fréquemment le bon état des fils. Chaque homme inspecte une longueur de 30 à 150 kilomètres suivant la localité, et surtout durant et après les orages et les tempêtes.