Suite de la partie 2 et fin

De Jean Boursin – Poste 85 – 1932 – Par Antoine Lefébure

Ferrié, un génial organisateur

Les zeppelins sortis, avant même qu’ils eussent traversé la frontière, étaient déjà repérés par l’ensemble de nos propres goniomètres. Nous les suivîmes sur la carte d’Europe, comme si nous les avions vus nous-mêmes ; ils passèrent au nord du Luxembourg, survolèrent la Belgique et traversèrent le Pas-de-Calais. C’est alors que le plan Ferrié entra en action ; le général donna ordre à quelques-unes de nos stations d’émission du front de brouiller les communications des zeppelins en accordant nos émetteurs sur la longueur d’onde de chacun d’eux.

Dirigeable allemand construit par la Cie Zeppelin

Chaque dirigeable eut son poste perturbateur parmi nos stations terrestres, chacun des nôtres s’efforçant de couvrir, avec le maximum d’intensité, l’étincelle des postes aériens allemands. Si bien que les gonios ennemis n’y comprenaient plus rien, pataugeaient dans les azimuts et étaient dans l’impossibilité de donner la moindre mesure exacte à leurs pilotes.

Véhicule radio-goniomètre de la première guerre mondiale

Mais notre général ne se borna pas à cette petite supercherie, il poussa le brouillage dans ses limites extrêmes en utilisant un grand poste français, techniquement camouflé en émetteur allemand. Il substitua la station ainsi maquillée à la grosse station terrestre allemande en transmettant aux zeppelins des rectifications de route qui devaient amener les dirigeables au-dessus de nos camps d’aviation et de nos batteries et non plus sur la Belgique et le Luxembourg, itinéraire projeté pour le retour. Le gros émetteur français, étant plus près des aéronefs que l’émetteur allemand, était reçu par les récepteurs aériens ennemis avec une meilleure intensité. Les radios du bord prirent donc pour des renseignements de premier ordre les fausses mesures que Paris leur envoyait ; au lieu de repasser au-dessus de Bruxelles, les zeppelins vinrent échouer dans nos lignes où nos escadrilles, alertées à temps, n’eurent qu’à les entourer, les obliger à atterrir et à se rendre. Celui que nous étions chargés de surveiller particulièrement au poste du Hohneck fut abattu à Bourbonne-les-Bains, les autres s’effondrèrent les uns après les autres à l’arrière de notre front et le dernier, complètement affolé par la multitude des rectifications qu’il recevait tant de France que d’Allemagne, rectifications contradictoires évidemment, descendit la vallée du Rhône, fut aperçu à Avignon et disparut vers la Corse sans qu’on sût jamais ce qu’il était devenu. Ce fut une accablante défaite pour le Kaiser et pour l’aviation germanique qui avaient tout prévu, sauf qu’il existait chez nous un subtil et génial organisateur en la personne du général Ferrié et un réseau radiogoniométrique merveilleusement outillé et discipliné. Ce fut la fin des raids par zeppelins, aucune nouvelle tentative ne fut faite par ceux qui restaient dans les hangars ennemis.

Dirigeable allemand Zeppelin abattu à Bourbonne-les-Bains (dpt.52)

Fin de l’article

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73 de Jean-Luc Desgrez – F5NKK