Les premiers fils sous-marins ont été employés à New-York. La position de cette immense cité, actuellement de près de 700,000 âmes, est tout à fait exceptionnelle. La principale partie est située a l’est du fleuve Hudson, qui descend du nord ; une espèce d’immense faubourg, appelé la cité Jersey, est à l’ouest et de l’autre côté de l’Hudson ; enfin une troisième partie de cette ville, Brooklyn, est bâtie sur une île au sud-est. Le lit de la rivière est un point de grande activité commerciale au-dessus duquel on ne pouvait point tendre des fils. On fut donc obligé de remonter la rivière à 90 kilomètres de la ville, afin de trouver des rives assez escarpées et assez élevées pour y placer sans inconvénient un fil électrique. Ainsi le détour occasionné par l’obstacle de la rivière était de 180 kilomètres. M. Jones établit que cette difficulté donna naissance à l’établissement d’un télégraphe sous-marin avant qu’il fût adopté en Angleterre ; mais les fils étaient brisés ou perdaient le courant. Enfin la gutta-percha fut employée, et maintenant des lignes sous-marines ou sous-fluviales traversent l’Hudson de New-York à Jersey. De temps à autre, un des fils est enlevé par une ancre ; mais, comme il y en a plusieurs, de distance en distance, il en reste toujours suffisamment pour le service du télégraphe.

Tout le monde sait qu’en août 1850 un simple fil sous-marin fut établi de Douvres à Calais. Quoique l’établissement d’un tel fil ne put être regardé comme une œuvre sérieuse, cependant les dépêches passèrent pendant quelques minutes, et on fut encouragé à former un fil ou plutôt un câble doué d’une plus grande résistance. Ce câble, qui fonctionne maintenant depuis un an et demi, contient quatre fils séparés les uns des autres, revêtus de gutta-percha et entourés d’un mélange de résine et de graisse ; de fortes spirales en fer recouvrent le tout. Ce câble vigoureux pèse à peu près 180,000 kilogrammes, et a presque 40 kilomètres de longueur. Il est juste de remarquer que l’entreprise de M. Brett fut spécialement patronnée par la France, et notamment par l’empereur actuel des Français, sans la protection duquel il est probable que l’Angleterre serait encore séparée du continent. Je n’ai point entendu dire que les distinctions honorifiques soient allées chercher le persévérant M. Brett, le Christophe Colomb de la télégraphie électrique. Cependant le service qu’il a rendu à l’Angleterre est immense : la communication entre Douvres et Calais a rattaché Londres aux lignes de Belgique et de France. On trouve dans les tarifs de la compagnie sous-marine le prix des dépêches pour Bruxelles, Berlin, Hambourg, Dresde, Munich, Venise, Florence, Milan et Paris. Un message de cent mots peut être expédié pour le prix de 125 francs à Lemberg, presque au centre de la Russie d’Europe, en Hongrie ou en Italie. Après les cours de la Bourse de Paris, la première dépêche politique qui fut transmise par la voie sous-marine, et qui parut dans le Times du 14 novembre 1851, était datée de Paris à sept heures du soir du jour précédent, et elle annonçait le rejet de la loi électorale par une majorité de 355 voix contre 348. Comme pour toute œuvre grandiose ; l’étonnement que produit le succès s’affaiblit à mesure que nous nous familiarisons avec les avantages qui en découlent. Les journaux anglais reçoivent maintenant avec la plus grande régularité les nouvelles du continent par la voie sous-marine, et l’on ne peut s’empêcher d’espérer que ces relations sociales contribueront puissamment à répandre les lumières de la civilisation et à consolider la fraternité de tous les peuples.