Le télégraphe à aiguilles aimantées est toujours le plus généralement employé en Angleterre. C’est, sinon le plus commode, au moins le plus sensible de tous ; mais c’est aussi celui qui se laisse le plus facilement déranger par les perturbations météorologiques. Les signaux se transmettent par les seules agitations imprimées à deux aiguilles aimantées. Malgré plusieurs perfectionnements, ce système, dit système anglais, est encore à peu près celui que MM. Cooke et Wheatstone mirent en usage, et qu’ils essayèrent même à Paris, sur le chemin de fer de Versailles. En général, la grande compagnie télégraphique anglaise a acquis les brevets de toutes les inventions et de toutes les machines patentées, de manière à les employer concurremment avec le télégraphe à aiguilles.
Il y a eu beaucoup de procès et de plaidoiries en Angleterre à l’occasion des droits établis par les brevets et patentes sur la télégraphie électrique ; mais on peut dire que toutes ces poursuites judiciaires ne sont rien en comparaison de ce qui a eu lieu aux États-Unis, où le système de la télégraphie électrique est développé sur une immense échelle. Les télégraphes le plus en usage dans cette contrée sont ceux de Morse, de Bain et de House, dont le système général consiste à imprimer, graver à la pointe sèche, tracer mécaniquement ou chimiquement des lettres ou des alphabets de convention, en un mot à fournir une dépêche écrite, tandis qu’en France et en Angleterre la dépêche est toujours lue et ne laisse aucune trace. Entre 1837 et 1840, le professeur américain Morse prit sept brevets d’invention. Dans un procès soutenu par ses ayant-cause en 1851, les preuves juridico-scientifiques formaient un volume de plus de 1,000 pages. Le nombre de pages pour les petits procès n’est ordinairement que de 3 à 400 ; mais il s’agissait de télégraphes qui emploient les fils conducteurs par mille et mille kilomètres[1].
Quelques-uns des systèmes de Bain et de Morse sont fondés sur un effet chimique, à peu près suivant le principe indiqué par Sœmmering. Une pointe métallique glisse sur un papier préparé chimiquement, et suivant qu’on envoie ou qu’on supprime le courant, elle y trace des points, des traits allongés, des doubles ou triples points ou des traits simples et doubles qui font un alphabet facile à lire, et on a de plus l’avantage, de conserver écrits les mots ou les dépêches transmis. Ces traits et ces points peuvent aussi signifier les un ils d’un vocabulaire particulier dont les deux seuls correspondrons ont la clé. En France, excepté les dépêches diplomatiques et celles que le courrier de l’Inde, arrivant à Marseille, transmet tout de suite au gouvernement anglais par le câble sous-marin, aucune dépêche secrète ne peut être transmise ; mais on a constaté jusqu’ici que, malgré les graves intérêts d’affaires pécuniaires qui ont été débattus par la voie électrique, aucune infidélité, aucune indiscrétion même n’a pu être reprochée à nos employés français. Plusieurs personnes m’assurent, mais je répugne à le croire, que, malgré les chiffres employés par les Américains, le secret du télégraphe par les américains n’a pas été aussi scrupuleusement respecté que chez nous, et que même, pour retarder une nouvelle politique, on a quelquefois rompu les communications.