Suite de la partie 1
De Jean Boursin – Poste 85 – 1932 – Par Antoine Lefébure
Une pépinière de chercheurs
En août 1914, la France se lance dans la guerre avec un équipement en quantité inférieure à celui de ses alliés. Mais également, fait plus grave, inférieur à celui de ses adversaires d’outre-Rhin. Les stations mobiles sont en nombre limité et les postes puissants n’offrent aucune garantie de liaison régulière.
Les pouvoirs publics n’ont pas donné suite aux propositions de Ferrié et de ses collaborateurs. Des mesures extrêmes s’imposent donc. Afin d’étoffer les services de la tour Eiffel, deux puissants émetteurs, destinés primitivement à Saigon et à Tombouctou, sont installés à Lyon cette fois. Lyon-la-Doua assurera les liaisons avec la Russie, la Serbie et la Roumanie. La marine de guerre allemande va se préparer dès 1907 à une guerre maritime, où la maîtrise de la TSF joue déjà un rôle essentiel.
Lyon-la-Doua
La société Telefunken équipe systématiquement les navires militaires et civils. Elle va même jusqu’à équiper des navires neutres, dont les opérateurs sont allemands. A la déclaration de guerre, les navires de commerce se réfugient dans les ports, après avoir été alertés par TSF, alors que les bâtiments de guerre infligent de lourdes pertes aux flottes alliées. Certaines stations côtières neutres d’Amérique du Sud, notamment péruviennes, aident les forces navales allemandes et les corsaires agissant dans le Pacifique et l’Atlantique sud. Aux Canaries, le consul allemand est arrêté après qu’on a découvert chez lui un émetteur clandestin. La Grande-Bretagne réagit et, à la fin de 1914, les câbles transatlantiques qui relient l’Allemagne à l’Afrique sont coupés ; les quatre stations allemandes de TSF à grande puissance situées dans le Pacifique sont détruites. Le 4 août 1914, dans le cadre du huitième régiment du Génie, les transmissions militaires sont mobilisées. 12 000 hommes et 150 officiers, dont beaucoup sont des employés des PTT, sont versés dans la télégraphie militaire. Ferrié fonde l’Établissement central du matériel de la radiotélégraphie militaire, qui deviendra une pépinière de chercheurs et de techniciens. Les écoutes radio, effectuées par la tour Eiffel, permettent au service du chiffre de décrypter des messages allemands et de repérer les faiblesses des forces ennemies sur la Marne. Galliéni utilisera du reste ces informations pour arrêter les troupes d’invasion qui déjà menacent Paris. Du côté des chercheurs de la TSF, les nécessités guerrières vont s’avérer un prodigieux stimulant. Les amplificateurs basse fréquence, les récepteurs de bord pour avions, les transmissions par radio de la voix humaine, la construction en série de lampes d’émission triode TM, les réseaux d’écoute et de goniométrie chargés de situer la source des émissions ennemies, le premier récepteur superhétérodyne, telles sont quelques-unes des innovations survenues entre 1914 et 1918, et qui témoignent combien les équipes coordonnées par le général Ferrié ont eu un rôle fondamental dans l’essor de la TSF.
La lampe triode TM et poste TSF équipé de lampes TM
A cet élan collaborent tous les savants, techniciens et entrepreneurs qui assureront l’avenir de la TSF et de la radiodiffusion en France : autour du capitaine Brenot on trouve, à la tour Eiffel, Maurice de Broglie, Laut, Lucien Levy, Ditte, tandis qu’à Lyon sont rassemblés auprès du professeur Abraham et du capitaine Péri, Marius Latour et Biguet. Emile Girardeau sera de ceux qui assureront l’avenir de ces recherches.
Suite et fin à la partie 3
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73 de Jean-Luc Desgrez – F5NKK