Pendant des siècles, la communication est sans grands progrès, avant l’invention sans précédent de la télégraphie optique inventée par Claude Chappe vers la fin des années 1700 et les améliorations ensuite en association avec les frères de Claude Chappe. Pour la distance, mais surtout pour la rapidité (à  l’époque), de l’acheminement de la communication.

Jamais un message n’était parvenu si vite au destinataire, même si cela peut faire sourire en 2021, comparé à nos moyens actuels de communicatifs. Qui pouvait imaginer il y à 40 ans le téléphone portable.

Une phrase de cette première partie, peut retenir notre attention, je cite : «On ne peut s’empêcher de voir dans cette invention de ‘’Polyb’’, la première idée de la télégraphie aérienne », qui ne fut réalisée qu’à la fin du dernier siècle, par Claude Chappe et ses frères ». Il en est de même pour la radio et les autres inventions, reprises par des inventeurs successifs, qui les ont améliorées, réinventées à leur tour. Cette remarque ne signifie pas que Claude Chappe se soit inspiré de *l’invention de *olybe* , mais ça y ressemble seulement.

Cette première partie ci-dessous est un peu longue, mais tellement bien expliquée pour qui s’intéresse à la communication, comme nous les radioamateurs, que ça vaut bien de la lire.

PREMIÈRE PARTIE

L’art des signaux chez les Grecs, les Romains et les orientaux, dans l’antiquité.

Comme l’indique son nom, tiré du grec et composé avec beaucoup de justesse de τῆλε, loin, et γράφω, j’écris, un télégraphe est un appareil qui écrit à longue distance, c’est-à-dire destiné à faire parvenir rapidement un message, à l’aide de signaux, entre deux points très-éloignés.

Chez tous les peuples et dans tous les temps, on a employé divers systèmes de signaux pour transmettre rapidement des avis d’un point à un autre. Il ne sera pas sans intérêt de jeter un coup d’œil sur les progrès de l’art des signaux, depuis son origine jusqu’à nos jours.

Si l’on remonte à l’époque la plus reculée de l’histoire, on trouve les premiers vestiges de la télégraphie attachés aux temps héroïques. Thésée, en partant pour la conquête de la toison d’or, avait arboré des voiles noires sur son vaisseau, promettant de leur substituer des voiles blanches, s’il revenait vainqueur. Mais il oublia cette promesse. À son retour, le vieil Égée, voyant apparaître le vaisseau avec ses mêmes voiles noires, crut que son fils avait succombé dans son entreprise, et il se précipita dans les flots.

Homère et Pausanias font mention des signaux de feu que Palamède et Simon employaient dans la guerre de Troie. C’est au moyen de flambeaux disposés dans un ordre convenu, que, même avant le siègé de Troie, Lyncée annonça à Hypermnestre, qu’il avait échappé à Danaüs ; et c’est par un fanal placé sur le fort de la ville de Larisse, qu’Hypermnestre fit connaître, à son tour, qu’elle était hors de danger.

Le poète Eschyle a décrit, dans sa tragédie d’Agamemnon, une sorte de ligne télégraphique. Il suppose qu’Agamemnon, pour annoncer à Clytemnestre la prise de Troie, avait échelonné, sur toute la route, des porteurs de flambeaux. Le poète fait parler ainsi le dernier homme chargé d’observer ces signaux :

« Grâce aux dieux, l’heureux signal perce l’obscurité. Salut, flambeau de la nuit, qui fais luire un beau jour ! »

Clytemnestre s’empresse d’annoncer la bonne nouvelle au chœur tragique. On lui demande quel message a pu l’instruire si vite de cet événement glorieux, et la reine l’explique en ces termes :

« Celui qui nous a appris cette nouvelle, c’est Vulcain, au moyen des feux qu’il a allumés sur le mont Ida. De foyer en foyer, la flamme messagère a volé jusqu’ici. Du mont Ida, le signal lumineux a passé à Lemnos ; de cette île, le sommet du mont Athos a reçu le troisième signal. Ce signal provenant d’un flambeau résineux, a voyagé sur la surface des eaux d’Hellé, et a doré de ses rayons le poste de Maciste. Celui-ci n’a point tardé à remplir son devoir, et son fanal a bientôt averti les gardiens du Messape aux bords de l’Euripe ; ils y ont répondu, et ont transmis le signal en allumant un monceau de bruyère sèche, dont la clarté, parvenant rapidement au delà des plaines de l’Asope, jusqu’au mont Cithéréen, a continué la succession de ces feux voyageurs. Le garde de ce mont a allumé un fanal, dont la lueur a percé comme un éclair jusqu’au mont d’Egiplanète, au-delà des marais de Gorgopis, où les surveillants que j’avais placés, ont fait sortir d’un vaste bûcher des tourbillons de flamme, qui ont éclairé l’horizon jusqu’au delà du golfe Saronique, et ont été aperçus du mont Arachné. Là veillaient ceux du poste le plus voisin de nous, qui ont fait luire sur le palais des Atrides ce feu si longtemps désiré ! »

On ne saurait dire, avec certitude, si Eschyle rapporte en ces termes un fait historique, ou seulement le produit de son imagination. Mais ce passage du tragique grec suffit pour établir que l’emploi de signaux convenus d’avance pour annoncer une nouvelle, était alors bien connu. Eschyle n’aurait point parlé de ce fait, s’il n’eût été dans les habitudes de son temps.

On croirait, en effet, à lire les auteurs grecs, qu’aux temps primitifs de son histoire, la Grèce était couverte de tours et de phares destinés à produire ces « flammes messagères » dont parle Eschyle. On appelait pyrses (πυρσός) des feux que l’on apercevait, la nuit, par leur lumière, et le jour par leur fumée. On appelait phares (φάρος) les tours destinées à recevoir de plus grands feux ; phryctes (φρυϰτός) de petits signaux formés par les torches ; φρυϰτωρὸς et πυρσευτὴς la sentinelle qui veillait à ces feux ; πυρσεία, la dépêche elle-même, etc.

Les Grecs employaient encore, comme signaux, d’autres moyens que le feu. Ils faisaient usage de la voix, du bruit, de la fumée et des drapeaux. Ils appelaient σύμϐολα et σημεῖα, les signaux sonores ou oraux qui servaient à donner un mot d’ordre, et συνθήματα, les signes visibles qui se faisaient sans bruit, en agitant les mains ou certaines armes. Παρασυνθήματα σημεῖα désignaient des étendards ou des drapeaux. C’est surtout pendant la guerre que ces moyens étaient en usage.

Thucydide décrit des fanaux que l’on attachait au haut de grandes perches, et que l’on disposait le long des chemins, devant les villes assiégées, pour servir de signaux aux combattants. On s’en servit beaucoup pendant la guerre du Péloponèse, et lors du combat de Salamine.

Sur le promontoire de Sigée, à 75 stades de Ténédos, il existait une tour destinée à porter des fanaux.

Ptolémée Philadelphe, roi d’Égypte (285 ans avant J.-C.), fit élever beaucoup de tours semblables dans l’île de Pharos.

Pharos était une île voisine du port d’Alexandrie, qui fut jointe au continent par un môle. On construisit à la pointe de ce môle, une haute tour, au sommet de laquelle étaient entretenus, la nuit, des feux qui servaient à signaler le port aux vaisseaux. De là est venu, dans notre langue, le nom de phare.

Alexandre le Grand reçut d’un habitant de Sidon, la proposition de perfectionner les moyens de correspondance connus de son temps. Le Sidonien proposait au vainqueur de Darius, d’établir un système de communications rapides entre tous les pays soumis à sa domination. Il ne demandait que cinq jours pour lui donner des avis du lieu le plus éloigné de ses conquêtes dans l’Inde, jusqu’à la Macédoine. Alexandre regarda ce projet comme un rêve, et rejeta avec mépris l’offre de l’étranger. Celui-ci se retira donc. Mais à peine eut-il disparu, qu’Alexandre, réfléchissant aux résultats politiques et militaires qu’amènerait l’expédition prompte des ordres et des messages, ordonna de rappeler l’auteur du projet qu’il avait d’abord repoussé. Mais on ne put le retrouver, quelque recherche que l’on fît, et Alexandre se repentit d’avoir repoussé une proposition qu’il n’avait point examinée.

Æneas le tacticien, qui vivait 336 ans avant Jésus-Christ, avait imaginé plusieurs manières de faire passer des avis dans les camps. Polybe a fait connaître un des procédés télégraphiques inventés par Æneas, qui mérite d’être signalé, en raison de sa singularité.

On plaçait, à certaine distance, plusieurs personnes portant chacune un vase d’airain de même grandeur, et contenant une même quantité d’eau. Chaque vase était percé sur un côté, d’un trou, d’égal diamètre pour tous. Un flotteur, composé d’un morceau de liége, nageait sur l’eau, et portait un bâton vertical, divisé en parties égales. Sur chacune des divisions du bâton, était inscrite une des phrases ou avis à transmettre. Chaque stationnaire porteur du vase d’airain, tenait de l’autre main une torche. Quand il s’agissait de transmettre à distance une des phrases ou avis inscrits sur la tige du flotteur, le premier stationnaire élevait sa torche pour éclairer le vase d’airain ; puis il débouchait le trou du vase, et faisait écouler la quantité d’eau nécessaire pour que la division de la tige portant l’ordre à transmettre se trouvât vis-à-vis du bord. Alors il baissait sa torche et arrêtait l’écoulement de l’eau. Le stationnaire suivant imitait la manœuvre du premier et laissait écouler la même quantité d’eau. Ainsi se transmettait, de poste en poste, l’avis inscrit sur un point particulier de la tige du flotteur.

Ce moyen était fort grossier. Il fallait que les hommes fussent nombreux, et placés à des distances bien courtes, pour pouvoir apercevoir et se transmettre, l’un à l’autre, la manœuvre à exécuter. Au temps d’Æneas c’est-à-dire 336 ans avant Jésus-Christ, l’art télégraphique, chez les Grecs, était donc tout à fait dans l’enfance.

Cet art fut perfectionné grâce à l’idée de signaler au moyen des feux, non des phrases convenues d’avance, mais bien les lettres de l’alphabet.

Jules l’Africain nous apprend qu’un système télégraphique qui fut inventé en Grèce, après Æneas, consistait à disposer huit feux, au-devant et à une certaine distance desquels, on allumait trois autres feux plus petits. Les huit grands feux servaient à désigner un groupe de lettres de l’alphabet, qu’on avait divisé en huit parties. Les trois feux accessoires désignaient la place de la lettre dans chacune des huit divisions de l’alphabet.

Cléomène et Polybe simplifièrent cette méthode.

Polybe, l’historien militaire de la Grèce, qui écrivait 150 ans environ avant Jésus-Christ, divisa l’alphabet en cinq groupes seulement. Deux murailles étant disposées l’une près de l’autre, le stationnaire se plaçait entre ces deux murailles, qui servaient à cacher des torches. Pour indiquer à son correspondant la 24e lettre de l’alphabet par exemple, il faisait apparaître d’abord cinq torches à sa droite, qui indiquaient la cinquième division de son alphabet ; puis quatre torches à sa gauche, pour marquer le rang que la lettre occupait dans sa division.

Nous devons ajouter qu’un long tuyau de bois ou d’airain, fixé à chaque muraille, servait à diriger la vue du stationnaire vers le point que l’on voulait observer.

On ne peut s’empêcher de voir dans cette invention de Polybe, la première idée de la télégraphie aérienne, qui ne fut réalisée qu’à la fin du dernier siècle, par les frères Chappe.

Rollin nous dit pourtant que cette méthode ne produisit que de médiocres résultats, car elle ne pouvait porter les avis qu’à une faible distance. Il est vrai que, pour signaler un seul mot, il fallait exécuter un si grand nombre de mouvements de torches, qu’une nuit entière devait à peine suffire à transmettre une phrase de quelques mots, chaque lettre exigeant 5 à 6 signaux.

Toutefois, en dépit de son imperfection pratique, cette méthode était excellente, et l’on peut dire que la télégraphie aérienne était créée, car la désignation conventionnelle des lettres de l’alphabet est un très-bon moyen télégraphique.

Les Romains empruntèrent aux Grecs la télégraphie, mais ils la perfectionnèrent peu. L’esprit d’invention et de recherches manquait au peuple romain qui ne sut jamais qu’emprunter à la Grèce ses inventions et ses idées, sans y rien ajouter d’important.

Ce n’est même qu’un peu tard, c’est-à-dire au temps des guerres puniques, que les Romains adoptèrent la télégraphie. Ils l’avaient sans doute apprise de Polybe, qui fut le commensal de Scipion, ou bien encore d’Annibal, qui avait fait élever des tours d’observation en Afrique et en Espagne, et qui faisait usage de feux d’un tel éclat qu’ils étaient visibles jusqu’à la distance de 67 500 pieds romains.

Quoi qu’il en soit, vers le temps de César, la télégraphie était devenue très en usage chez les Romains. Ils établissaient partout où s’étendaient leurs conquêtes, un système de communications rapides, qui favorisait singulièrement l’exercice de leur autorité sur les peuples soumis à leur domination.

César fit grand usage des signaux de feu dans son expédition des Gaules. La certitude et la rapidité des mouvements de son armée, ne peuvent s’expliquer que par l’emploi multiplié des signaux militaires.

Du reste, les Gaulois eux-mêmes se servaient des mêmes moyens, pour déjouer la stratégie des Romains. C’est ce que nous apprend César lui-même dans ses Commentaires :

« Lorsqu’il arrivait, dit César, des événements extraordinaires, les Gaulois s’avertissaient par des cris qui étaient entendus d’un lieu à l’autre ; de sorte que le massacre des Romains, qui avait été fait à Orléans, au lever du soleil, fut su à neuf heures du soir en Auvergne, à quarante lieues de distance. »

Sous les empereurs, tous les pays soumis à la domination romaine étaient, comme on le sait, sillonnés d’admirables routes. Le long de ces routes, s’élevaient, de distance en distance, des tours, destinées à transmettre les signaux. On avait relié ensemble l’Asie et l’Afrique par des tours allant de la Syrie à l’Égypte et d’Antioche à Alexandrie. Une multitude de villes étaient ainsi rattachées à la métropole des bords du Tibre. En Italie 1 197 villes, 1 200 dans les Gaules, 306 dans l’Espagne, 500 en Asie, formaient du nord-ouest au sud-ouest, une ligne télégraphique qui n’avait pas moins de 1 400 lieues de longueur[1].

Les ruines de quelques tours élevées par les Romains, pour servir à ces communications, se voient encore en France. À Nîmes, la Tour magne, qui domine l’admirable promenade de la fontaine, les hautes tours d’Uzès, d’Arles et de Bellegarde, avaient été construites, d’après l’opinion des archéologues modernes les plus accrédités, pour recevoir des vedettes, des vigies, des sentinelles romaines, qui échangeaient rapidement des avis avec les contrées voisines.

Tibère, retiré sur son rocher de l’île Caprée, au sein de sa voluptueuse retraite, recevait de Rome, au moyen de signaux, qui volaient de phare en phare, des nouvelles des différentes parties de son empire[2].

Il n’est pas impossible de se représenter aujourd’hui la disposition d’un poste télégraphique romain. Sur l’un des bas-reliefs de la colonne Trajane, qui s’élève encore aujourd’hui à Rome, et qui nous conserve la précieuse reproduction des équipements, des armes et des machines de guerre employés chez les Romains, on voit sculpté l’un de ces postes télégraphiques (fig. 4). C’est une tour environnée d’une palissade. Elle est pourvue d’un balcon, et d’une fenêtre donnant passage à une torche enflammée.

L’art des signaux, dont nous venons de suivre les progrès chez les Grecs et les Romains, fut également mis en pratique chez les anciens peuples de l’Orient. Les Scythes faisaient usage de feux ou de fumée, comme moyen d’avertissement lointain.

Les Chinois, chez lesquels on trouve toujours quelque trace des inventions modernes de l’Occident, avaient placé des phares, ou machines à feu, sur leur grande muraille, longue de 188 lieues. Ils pouvaient ainsi donner l’alarme à toute la frontière qui les séparait des Tartares, lorsqu’une horde de ces peuples venait à les menacer.

Comme l’art de produire des feux d’une prodigieuse intensité a été connu de temps immémorial en Orient, on ne sera pas surpris d’apprendre que les Chinois et les Indiens fissent usage, comme signaux, de feux dont la lumière était si brillante, qu’elle perçait les brouillards et défiait les vents et la pluie.

À Constantinople, les signaux de feu placés sur une montagne voisine, annonçaient, en peu d’heures, les mouvements des Sarrasins. Le premier poste était près de Tarse. Venaient ensuite ceux des monts Argent, Isamus, Egésus, la colline de Mamas, le Cérisus, le Mocilus, la colline Auxentius, et le cadran du phare du palais[3].

Le plus énergique et le plus clair de tous les télégraphes physiques employés par les Orientaux, était celui de Tamerlan. Ce conquérant terrible, quand il faisait le siège d’une ville, n’employait que trois signaux.

Le premier était un drapeau blanc, et voulait dire : « Rendez-vous, j’userai de clémence. »

Le second jour, Tamerlan faisait arborer un drapeau rouge, qui signifiait : « Il faut du sang, le commandant de la place et les sous-officiers payeront de leur tête le temps qu’ils m’ont fait perdre. »

Le troisième et dernier signal était un drapeau noir, et voulait dire : « Que la ville se rende ou qu’elle soit prise d’assaut, je mettrai tout à feu et à sang. »

Mais revenons en Europe, pour suivre, à partir du moyen âge jusqu’à nos jours, les progrès de l’art télégraphique.

d’après Wikipédia  Wikisource et autres, compilation F5LBD